Soir d'automne
Des nuages, couleur de marbre,
Volent à travers le ciel fou ;
" Eh ! la lune, garde à vous ! "
L'espace meugle et se déchire.
Sous l'écorce par les fentes
On écoute pleurer et rire les arbres.

" Eh ! la lune, garde à vous ! "
Votre face de cristal blanc
Va choir, morte, parmi l'étang,
Cassée aux angles des vaguettes ;
Les taillis plient comme des baguettes ;
L'ouragan pille aux cabanes cognées
Le chaume immense, par poignées.

C'est les noces du vent et de l'automne.
" Eh ! la lune, garde à vous ! "
Le vent est ce cavalier lourd
Qui s'est soûlé, ce soir, et fait l'amour
A tous les coins des carrefours
Avec la rouge et violente automne.

Poésie d'Emile Verhaeren (Extrait)